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Phénomène ADOS vs PANAFRICANISME

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Les propos qui vont suivre n’engagent que l’auteur.

1. Un aperçu rapide

Antonio Moore et Yvette Carnell, deux Afro-Américains qui se disent activistes (les activistes Afro-Américains les plus connus n’avaient jamais entendu parler de ces deux individus) ont créé un groupuscule (que je considère comme des identitaires « noirs ») appelé ADOS (American Descendants of Slaves c’est-à-dire Américains descendants d’esclaves ). ADOS a d’abord été un hashtag sur Twitter avant de devenir un groupe « organisé » qui a émergé (si on se base sur le nombre de followers de leurs réseaux sociaux) entre 2017 et 2019.

Le but de cette note que est juste de démontrer l’inutilité du phénomène ADOS qui n’est présenté ici qu’à titre d’information et de sensibilisation pour comprendre à quel point la confusion d’individus sur leur identité et la haine de soi peuvent entraîner la naissance de groupes xénophobes et sans aucune substance idéologique comme les ADOS. Je ne vais même pas m’attarder sur le fait que ce mouvement soit soutenu par les républicains et autres groupuscules extrémistes, xénophobes, islamophobes et racistes Américains ou encore sur la photo d’Yvette Carnell qui porte fièrement une casquette MAGA (Make America Great Again : slogan de campagne de Trump à peine codé qui en vérité signifie Make America white again). Le mouvement ADOS est un poison, c’est un groupe xénophobe d’extrême droite, isolationniste et anti-africain de personnes qui souffrent de self-hate. Leur accorder du crédit ou vouloir atténuer leur propos selon moi reviendrait à accorder du crédit ou nuancer des propos de membres du KKK. Il n’y a rien qui va avec ce mouvement.

On peut lire sur le site internet que le but des ADOS est « …to reclaim/restore the critical national character of the African American identity and experience, one grounded in our group’s unique lineage, and which is central to our continuing struggle for social and economic justice in the United States. » (de récupérer / restaurer le caractère national et important de l’identité et de l’expérience afro-américaine, ancré dans la lignée unique (?!) de notre groupe, et qui est au cœur de notre lutte continue pour la justice sociale et économique aux États-Unis. »

Les chevaux de bataille des ADOS sont les réparations (qu’ils utilisent plus comme un cheval de troie pour diviser la communauté Afro-Américaine, y semer la confusion et combattre le panafricanisme) et surtout leur volonté d’être reconnu à part comme « descendants d’esclaves » afin de les dissocier des Afro-Caribéens et des Africains venus du continent qui vivent aux états-Unis. Le mouvement ADOS est majoritairement contesté et vivement critiqué par une grande majorité des Afro-Américains heureusement (des panafricanistes Afro-Américains de renom comme Molefi Asante ou Runoko Rashidi ont dénoncé ce mouvement). Ce superbe article du rappeur et activiste Afro-Américain Talib Kweli résume bien le phénomène ADOS,  voir aussi cet article du Final Call sur la question

J’ai remarqué que certains membres du mouvement ADOS pensent que ce qui arrive aux Africains ailleurs qu’aux états-Unis n’est pas important pour les Afro-américains et je voudrais faire un commentaire (avec tout l’amour et le respect que j’ai pour mes frères et soeurs Afro-Américains) sur cette position dangereuse. C’est en partie à cause du même type de considération que je me suis toujours posé la question si le mouvement Black Lives Matter (BLM) ne devrait pas se renommer Black American Lives Matter ? Eh oui, figurez-vous chers amis de BLM qu’il existe des Africains en dehors des États-Unis. Figurez-vous que les Afro-Américains et leurs expériences de ne représentent pas GLOBALEMENT les Africains de cette planète. L’histoire de l’esclavage en Amérique est très différente de l’histoire de l’Ethiopie par exemple. Malcolm X nous avait bien mis en garde à ce sujet (résumé à ma sauce de son discours sur l’esclave de maison »: « L’esclave qui vit dans la maison du propriétaire d’esclaves pense qu’il est une version « esclave » du maître. Il a le même état d’esprit de supériorité que le propriétaire d’esclaves. Les privilèges et les miettes qu’il reçoit du propriétaire d’esclaves lui font croire qu’il est au-dessus du reste des esclaves. Il a droit comme le maître des esclaves». Ainsi puisque l’Amérique est une superpuissance, l’Africain d’Amérique (pas tous heureusement, seulement les ignorants) croit qu’il est aussi une superpuissance au sein de la société occidentale par rapport aux autres Africains.

Et beaucoup de « kneegrows » comme Candace Owens, les ADOS, Colin Powell, Condoleezza Rice sont des agents du maintien de ce sentiment de supériorité d’un grand nombre Afro-Américains sur les autres Africains. La vie des Noirs en Amérique est donc si importante que les Africains d’ailleurs doivent tout abandonner à leur profit. Cet état d’esprit de supériorité est si profondément ancré que certains Afro-Américains vont combattre les sales guerres Américaines pour le pétrole et opprimer d’autres peuples opprimés sous la bannière du drapeau Américain. Le silence de BLM sur les violences racistes auxquelles font face les Africains en dehors des états-Unis (ce n’est même pas si surprenant puisqu’ils sont tout aussi silencieux sur les problèmes de violence entre les Afro-Américains eux-même) démontre que leur désir est juste de prouver à leur oppresseur que seules les vies « noires » prises par des non Afro-Américains sur le territoire Américain comptent. Ils sont incapables d’étendre ce désir de reconnaissance d’humanité au reste du monde Africain (et c’est peut-être tant mieux car la victimisation n’a jamais résolu aucun problème). Amos Wilson nous avait bien prévenu de toujours garder une lecture globale et internationale de nos expériences d’oppression, de ne pas les circonscrire à un territoire donné.

Les ADOS ont étalé leur xénophobie notamment envers les Africains venus du continent (qu’ils avaient déjà bien affichée sur Twitter) et ignorance au grand jour l’année dernière en critiquant vivement l’actrice Nigériane Cynthia Erivo qui a joué le rôle d’Harriet Tubman (une figure féminine Afro-Américaine majeure de la résistance à la mise en esclavage des Africains par les Européens qui s’est évadée, a aidé d’autres Africains mis en esclavage à s’évader aussi et a organisé un réseau de lutte pour l’abolition de l’esclavage) dans le film « Harriet » sorti l’an dernier et en appelant au boycott du film. Le principal reproche que les ADOS faisaient à Erivo est qu’elle est Nigériane donc moins légitime pour jouer ce rôle qu’une actrice Afro-Américaine. Les ADOS se sont aussi servis du fait qu’Erivo avait écrit il y a plusieurs années des tweets dans lesquelles elle se moquait des Afro-Américains. Je voudrais faire une mise au point à ce sujet.

Le même type de comportement avait déjà surgi chez des Africains lorsque Denzel Washington a joué Steve Biko ou quand l’afro-américaine Jennifer Hudson a joué Winnie Mandela.

Je suis toujours étonné et confus de voir des Africains monter au créneau et dénoncer énergiquement ces phénomènes alors que les film en question sont tous détenus par des Européens. Cela visiblement les dérange beaucoup moins. Ces gens se plaindront que l’actrice qui a joué Harriet n’est pas une ADOS, mais vous ne les entendrez jamais se plaindre que toute la production (financeurs) du film est BLANCHE (puisqu’ils ont apprécié Black Panther, Birth of a nation etc). Seule la main-d’œuvre (réalisateurs, équipes techniques et acteurs) est généralement Africaine. Le pire c’est que si vous montrez à ces ADOS des cinéastes Africains ou Afro-Américains indépendants, jamais ils ne les mettront en avant ni ne soutiendront leur travail. C’est toujours plus facile de critiquer les représentations que les Européens font de nous ou de vouloir faire partie à tout prix de leur monde quitte à s’humilier (suivez mon regard) que de choisir l’auto-détermination. De vrais comportements de « nègres ».

Si les ADOS n’aiment pas Harriet (le film), pourquoi ne cherchent-ils pas l’argent pour produire et réaliser leur propre film ? De quel droit osent-ils vouloir (alors qu’ils ne soutiennent même pas financièrement leurs cinéastes indépendants) dicter aux Européens quelle est l’actrice la mieux adaptée pour un film que les Européens financent? Ont-ils investi de l’argent pour produire ce film ? Ont-ils fait passer une loi qui interdise la falsification historique des Afro-Américains ? Les Chinois n’en ont rien à faire d’Hollywood et de ses falsifications car ils se sont donnés les moyens de produire et de réaliser leurs propres films historiques. Les Indiens n’attendent rien et ne calculent pas Hollywood lorsqu’ils produisent et réalisent leurs propres films car ils savent qu’ils ont un public qui les soutient financièrement (pas avec des likes sur les réseaux sociaux) de l’Inde en Afrique du Sud, du Kenya au Royaume-Uni. Lorsqu’on leur demande de soutenir financièrement des cinéastes Africains indépendants pour produire et réaliser des films qui nous représentent positivement, ils ne le font pas ; mais ils ont le toupet de critiquer, de se précipiter dans tous leurs magazines et télévisions « black » pour dénoncer un film financé par les Européens et qu’ils ont fait pour eux alors que ces médias « noirs » n’ont jamais eu le même engouement pour le travail d’un cinéaste Africain indépendant. Quel culot ! C’est quand même incroyable ! Depuis quand la proie pense qu’il est du devoir du prédateur de raconter honnêtement l’histoire de la chasse ? Il serait vraiment temps d’apprendre comment le monde fonctionne. Nous n’avons que ce que nous méritons. Non ce n’est pas de l’auto-flagellation, juste des faits.

Je voudrais terminer cette petite digression sur le film « Harriet » par une petite observation sur le débat (un peu puéril) « qui des Africains de la diaspora ou du continent déteste plus l’autre ? ». La première chose c’est que les Africains du continent se détestent bien plus entrez eux qu’ils ne détestent ceux de la diaspora (Afro-Américains ou autre). Donc, les Afro-Américains qui ont utilisé les commentaires stupides de l’actrice Cynthia Erivo pour dire que les Africains détestent les Afro-Américains sont dans l’erreur. C’est vraiment malhonnête de prétendre cela. C’est toujours le risque de prendre ses expériences personnelles pour des généralités (“les hommes «noirs» , les femmes « noires» sont ça etc).

Deuxièmement, les Afro-Américains et les Africains de la diaspora en général sont considérés comme des héros en Afrique. Tout Africain vivant en Occident ne peut nier ce fait. La plupart des gens veut être comme eux. Même en Afrique du Sud, pendant les violences xénophobes contre les autres Africains, les vandales ne touchent pas aux Afro-Américains. Certes certains Africains n’aiment pas les Afro-Américains mais « certains » ce n’est pas « tous ». Enfin, la vraie haine vient de la diaspora (ignorante et confuse) à l’égard des Africains du continent et le phénomène ADOS en est l’illustration parfaite. Les ADOS vont jusqu’à dire (en parlant des Africains) : « ils ont des caractéristiques physiques différentes de nous (pourtant je suis sûr qu’il y a des Africains qui leur ressemblent comme deux gouttes d’eau sur le continent), ils sont différents, ils étaient des marchands d’esclaves » bref de l’ignorance totale. Il est donc clair que les ADOS sont des ennemis de notre peuple, des ennemis du panafricanisme, peut-être l’un des pires actuellement. Espérons que ce phénomène ADOS disparaisse rapidement.

Revenons maintenant au concept même d’ADOS et déconstruisons le.

Voilà donc des gens a déclaré qui se définissent comme descendants d’esclaves. Certains d’entre eux vont même jusqu’à dire qu’ils sont encore des esclaves. Voilà des propos ignorants, extrêmement graves et qui représentent du mépris pour nos ancêtres qui ont été mis en esclavage ainsi que nos frères et sœurs qui sont vraiment mis en esclavage jusqu’aujourd’hui en Mauritanie, au Maghreb etc. Il faut vraiment faire attention aux mots qu’on emploie. Nous ne vivons pas du tout les mêmes conditions que nos ancêtres. Pensez-vous sérieusement que s’ils nous regardaient d’où ils sont faire du gossip sur Will et Jada sur les réseaux sociaux, faire le CHOIX dépenser votre argent librement dans les magasins tenus par les Européens (H&M, Guerlain etc), ils nous qualifieraient d’esclaves ? Ça n’a aucun sens. Nous sommes en grande majorité aujourd’hui des esclaves mentaux, mais ça c’est un esclavage que nous avons CHOISI. Et puis ne venez pas me raconter que vous êtes des esclaves parce que nous sommes victimes de discrimination à cause de la couleur de notre peau. Je suis désolé mais ce phénomène s’appelle le racisme et pas la mise en esclavage. D’ailleurs, la discrimination touche aussi les Européens de l’Est, les Arabes, les Mexicains, etc et je ne pense pas que cela fasse d’eux des esclaves.

Autre problème dans le nom ADOS, c’est une définition de victimisation. C’est comme si nous les Africains qui sommes nés après la décennie 1960, nous nous appelions les Africains post-coloniaux. C’est complètement stupide. Il suffit d’ouvrir un livre écrit avec un minimum de sérieux sur le sujet de l’esclavage pour pour s’en rendre compte. Nos ancêtres ont été mis en esclavageils n’ont jamais été esclaves. Il peut arriver qu’on le dise par mégarde, par habitude, pour être plus bref ou facilement compris mais cela est fondamentalement FAUX et c’est une erreur grave pour une association de se présenter officiellement en identifiant nos ancêtres capturés comme des esclaves. Cela semble anodin mais voir l’esclavage comme une condition qui nous a été imposée change complètement notre paradigme et notre vision du monde. Esclave n’est pas une identité. Personne ne naît esclave. L’esclavage est une condition imposée à un être humain par un groupe de personnes mais ce n’est jamais la nature d’un être humain. Malgré toutes les tentatives de déshumanisation et de terrorisme sur nos vies que les Européens ont mis en place pour faire de nous (Africains) des bêtes de somme, nous ne l’avons pas été, nous ne le sommes pas et nous ne le serons jamais .

Pour ce qui est de l’aspect « Américain » des ADOS, Cette courte vidéo de Malcolm X extraite d’un discours qu’il avait tenu lors d’un événement de l’OUAA (Organisation de l’Unité Afro-Américaine), qui redémontre (c’est important en ces temps d’extrême confusion) qu’il a été le premier à clarifier l’identité de Afro-Américains et montre que les mots « nègre » ou « negro » ne sont pas pertinents pour nous désigner, devrait suffire pour comprendre que la base identitaire sur laquelle s’appuient les ADOS relève de l’ignorance pure de leur identité. D’ailleurs ce n’est pas une hasard si les ADOS n’évoquent jamais des figures majeures comme Malcolm X ou Marcus Garvey (peut-être parce qu’ils ont des origines Caribéennes et donc ne sont pas des Américains descendants d’esclaves) qu’ils qualifient sans gêne de trop anciennes et dépassées, donc il se pourrait qu’ils n’aient pas connaissance de ce discours de Malcolm X.

 
 

Kwabena NDIE pour Elimu

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