fbpx

Nipsey Hussle, le Tupac Shakur de sa génération?

La responsabilite communautaire au coeur de leur art

Dans l’actualité culturelle de ce début d’année, il n’y a pas un événement qui a marqué le monde de la culture Afro-urbaine plus que la mort de Ermias Joseph Asghedom aka Nipsey Hu$$le. Il faut dire que cet assassinat vient nous rappeler que pour un Noir aux Etats-Unis, l’argent et la renommé ne met pas forcément à l’abri de la violence. Ou bien comme l’a dit Suge Knight qu’il ne faut pas trop aimer le ghetto, une fois l’argent fait, il faut se faire oublier…

Nous avons déjà traité de la question du rapport que ce rappeur entretenait avec l’Afrique, son continent d’origine (son père est de nationalité Erythréenne), mais aussi avec sa communauté, en particulier dans son quartier de Slauson à Crenshaw, Los Angeles. Nous savons également que 2pac shakur a été formé par sa famille et notamment Mutulu Shakur pour la théorisation du Thug Life code (à lire dans l’article en lien), qui a été pervertis par la suite…

Mais Nipsey ou Nebsi (en tigréen nebsi veut dire «  quelqu’un ») vient de loin et son engagement pour la communauté ne date pas d’hier. Certains ont même fait la comparaison avec l’Aîné Tupac Shakur que tout le monde connaît.

Alors à l’OJAL, parce que nous sommes des amateurs de rap west coast en particulier (culture locale oblige) et que nous apprécions particulièrement le Slauson Boy et le Killuminati (les surnoms de Nipsey et Tupac), nous avons voulu pousser la comparaison entre les deux et voir ce qui les réunit, et ce qui les différencie. Non pas pour éteindre le débat, mais pour l’étayer un peu plus.

2pac a chanté la violence et la vie de LA, Nipsey aussi

En effet , les deux représentent la culture des gangs dans laquelle ils évoluaient en Californie. L’un vivait à Oakland (ville d’où sont originaires les fondateurs du Black Panther Party), l’autre était issu du quartier de Crenshaw. L’un était affilé aux Mob Piru Bloods, l’autre faisait partie des Rollin 60’s Neighborhood Crips. C’est donc de leur vécu qu’ils parlaient dans leur chansons qui retranscrivaient le quotidien des quartiers afro de Los Angeles.

« Cuz when yo mama paid rent, that was yo game
So when yo homeboy bled, that was yo pain
And if y’all both catch a case, you don’t say no names
That’s just the code of the color of my shoe strings 
»


 (Cuz (appellation crip = “parce que”) quand ta maman payait le loyer c’était grâce au gang
Donc quand ton pote saigne, c’est ta souffrance
Si on vous attrape ensemble vous ne sortez aucun nom
C’est simplement le code de la couleur de mes lacets de baskets (bleu donc crip)

~(Blue Laces)

2pac n’a pas réussit a protéger sa musique, Nipsey l’a fait

 

Nipsey avait réussi à préserver son indépendance au sein de son label All Money In All Money Out. Toutes ses mixtapes sont sorti en indé.
Son  unique et déjà classique album Victory Lap est sorti sous la double étiquette All Money In No Money Out/Atlantic Records. Mais si le Slauson Boy a signé avec une maison de disque c’est parce que le deal était à son avantage. En effet, il n’a jamais accepté que sa musique ne lui appartienne pas. Le contrat lui permettant de rester maître de son art, libre dans sa création et, surtout, propriétaire de tous les droits de sa musique. 
 
« I am nothing like you fucking rap niggas, I own all the rights to all my raps, nigga. » 
(Je suis pas comme vos p**** negros du rap, je possède tous les droits sur mon rap, negro)
 
~(Rap Niggas)
 
Le nom du label conceptualise l’autosuffisance économique. Au lieu de dépenser de l’argent sur des actifs dépréciant ou sur d’autres biens matériels, Nipsey a insisté sur l’importance d’économiser de l’argent et de l’investir pour créer de la richesse. En tant que militant, Nipsey a promu l’entrepreneuriat noir, l’unité et l’autosuffisance. Le logo et le concept de «All Money, No Money Out» sont un symbole contemporain de l’autosuffisance, de l’unité et de la résurgence économique des Noirs dans les quartiers défavorisés.
Le logo du label All Money In No Money Out

2pac voulait réunir les gangs dans un mouvement, Nipsey l’a fait… après sa mort.

Alors que des centaines d’ennemis jurés se tenaient ensemble les bras serrés, on pouvait voir la concrétisation du rêve de Nipsey, mais aussi le germe de l’objectif Thug Life de Tupac d’unir des gangs tragiquement éclos par l’effusion de sang.

Espérons qu’il y aura un jour où il y aura une meilleure raison pour que les membres de gangs se réunissent, mais au moins cela s’est produit à la mémoire d’un artiste qui l’a planifié depuis le début. FireBugg, membre apparenté du groupe Blood, s’est rappelé d’une rencontre fortuite avec Nipsey Hussle qui avait entamé le projet de créer une trêve de gangs entre leurs rivaux.

Il a rappelé que les hommes partageaient un moment difficile quand ils se sont rencontrés pour la première fois dans un restaurant, mais finalement, “nous nous sommes serré la main avec une poignée ferme et n’avons pas relâché le shake jusqu’à [cinq minutes] plus tard”. 

FireBugg a également déclaré que :

“Nous avons tous deux reconnu le fait que nous étions des ennemis jurés par les droits des gangs mais nous avons dit que nous étions nés frères par essence. Nipsey a regardé fixement le tatouage de Malcolm X  tout en disant qu’il souhaitait que les deux aident à rapprocher leurs gangs, notant: “J’ai pas d’énergie pour les trucs négatifs et les conflits. “

2 pac connaissait la psychologie et la sociologie de son environnement, Nipsey l’a appris grâce à lui:

« Je sais ce que Pac essayait de faire. Pac était du genre à dire : «Je sais que si je te dis que ce que je sais, tu m’appelleras intello. Dans notre culture, quelqu’un d'”intelligent” est quelqu’un de faible. Donc, je montre à tout le monde que je suis un gangster en premier. Je vais vous montrer que je n’ai pas peur de me battre, que je n’ai pas peur de tirer et que je n’ai pas peur d’être avec mes négros dans la pire des pires des situations »… Écoutez« White Man’z World et écoutez [son album de 1997 intitulé] Makaveli. Il essayait d’élever ses négros, et il a été tué.»

2 pac parlait souvent du levier économique pour l’émancipation de sa communauté, Nipsey l’a suivit:

« L’argent est ma medecine » (Keys of the city)

Nipsey se déclamait de 2pac qui était un mentor pour lui:

C’est le remède, la séparation
2Pac de ma génération, la pilule bleue dans la putain de Matrix
Rose rouge dans le trottoir gris
Les jeunes negros pris au piège et il ne peut pas le changer

(Nipsey Hussle, dedication)

Team ELIMU

Il efface les dettes de 400 étudiants

Le plus grand investissement que l’on puisse faire est dans l’éducation

L’histoire est très proche d’un conte de disney ou d’un film de Nollywood. Ca nous enjaille comme pas possible lorsqu’un leader, en l’occurence un homme d’affaire redoutable, investi dans l’avenir de sa communauté par l’éducation. L’homme Afrodescendant le plus riche des Etats-Unis, Robert Smith, a décidé d’éponger les dettes de toute une promotion d’étudiants à l’université Morehouse College (principalement composée d’Afrodescendants) à Atlanta. A la manière de sportifs comme Lebron James qui investit dans son école I Promise. Ici on parle de 400 jeunes personnes qui verront leur crédit (car l’écrasante majorité des américains paient  leurs études avec des crédits) tout bonnement annulé! Il s’agit d’un investissement à hauteur de 40 millions. On apprend par la même occasion par Europe 1 que le couple Obama avait attendu la quarantaine pour voir le crédit remboursé (Harvard ça coûte un bras). Vous imaginez donc le soulagement de tout le monde, étudiants comme parents.

Le genereux Robert Smith

Un Afrodescendant solide financièrement se doit de redonner à sa communauté

Quatre cent âmes allégées d’un lourd fardeau. A notre époque de très grandes incertitudes on imagine la joie que cette annonce a produit. Il ne fallait pas rater son diplôme cette année a la Morehouse!! M.Smith, qui pèse 4.4 milliards de dollars, ne s’est pas ruiné dans l’opération, il indique qu’il l’a fait pour que “sa promotion” utilise les outils que l’Université leur a donné pour redonner plus tard à d’autres ce qu’ils ont acquis. Gageons que ces étudiants s’en rappellerons. Si le souhait du milliardaire était exeaucé les retombées positives seraient exponentielles et créeraient un vrai sentiment de solidarité et de responsabilisation vis-a-vis de la communauté. Les habitants d’Atlanta ont la chance de pouvoir dire qu’ils sont soutenus par une partie de leurs élites. On ne saurait oublier ce que le rappeut T.I fait sur le terrain depuis des années pour n’en citer qu’un. La réussite économique n’est pas l’alpha et l’omega, si elle ne se complète pas d’un investissement pour l’élévation communautaire c’est une ressource en moins pour le bien commun. C’est autant d’argent qui ne beneficiera pas aux plus méritants, à ceux qui ont faim d’innovation et de connaissances. L’émergeance d’une élite formée et compétente est la base de toute société saine et compétitive.

T.I rachète des quartiers d’Afrodescendants à Atlanta

La conscience d’une responsabilite communautaire

Connaissez-vous Yacouba Sawadogo? Vous devriez: il s’agit de l’homme génial qui a arrêtré la progression du desert dans son village natal de gourga au Burkina Faso. Quel rapport avec un rappeur multimillionaire T.I? A priori à part leur couleur de peau pas grand chose.

 

Viacom Summer TCA
CREDIT: Phillip Faraone/Getty Images pour Viacom

T.I n’arrête pas le desert mais il s’est attaqué à un phénomène économique et social qui touche de très nombreux quartiers afro-américains: la gentrification. C’est ce phénomène qui veut que des bobos fils à papa blancs viennent dans ton quartier car il leur évoque la dure vie du ghetto qu’ils ont vu dans les clips des années 90 et qu’ils s’y installent en masse, faisant ainsi grimper le prix du loyer. Qui dit hausse du prix du loyer dit disparition des classes laborieuses qui ont justement donné l’âme au quartier. S’en suit une paupérisation, un nouvel exode des plus démunis vers des zones encore moins bien pourvus d’infrastructures, écoles hopitaux etc. Un grand remplacement à l’envers en somme.Tout comme le sable avait repris ses droit sur la forêt.

Un partenariat entre de grands acteurs, tous Afrodescendants

Ce phénomène n’est pas nouveau mais la plupart des gens le voient comme une conséquence logique et innarrêtable de l’urbanisation des grandes villes. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Comme vous le savez aux states les renois sont organisés à des degrés qu’on n’imagine même pas dans nos villes européennes. Tenez vous bien, c’est le genre de collaboration qui envoie du lourd. Donc le gars T.I s’associe avec une société immobilière nigeriane (Dynasty Real Estate) et une organisation dont l’objectif est toute une inspiration pour l’OJAL: “Revitaliser et reconstruire des communautés, un quartier à la fois.”Il s’agit de la Urban Planning Management, qui s’attèle à ce gros problème depuis plus de trente ans.

 

Redonner vie a des quartiers entiers


Ce trio panafricainement éclatant a donc eu pour objectif de racheter des quartiers entiers où vivent des Afrodescendants pour revitaliser et “dégentrifier” ces quartier d’Atlanta, ville d’origine du rappeur. Ce mouvement est connu sous le sloggan “buy back the block”. En clair il vont redonner vie à des quartier en rachetant des immeubles pour en faire des logements accessibles pour la communauté qui avait historiquement donné vie à ces quartiers. C’est tout bonnement revolutionnaire et foutrement inspirant. Ca change des business du genre “je vais créer ma marque de Whisky” ou bien “je vais ouvrir une chaîne de fastfood”. Il s’agit d’une initiative ultra positive, communautaire, qui donne du sens à ce mot et crée de l’unité en même temps qu’un avenir moins sombre pour des milliers de gens. Car ils l’achètent ensemble leur quartier, ce qui est gage d’une preservation de l’habitat. Que demande le peuple? 

Big Up au talentueux T.I pour ce geste qui on l’espère inspirera d’autres personnes de sa stature. SALUTE!

pour en savoir un peu plus sur ce mouvement dont nous devrions nous inspirer asap: 

https://www.buytheblock.com/

source: vibe.com

Ojalezvous!